[Tribune] Associer les communautés locales à la protection de la biodiversité

La conservation de la biodiversité ne fonctionne que lorsqu’elle prend en compte les besoins des communautés locales et les associe aux actions des entreprises. Une stratégie qui marche, comme le prouvent les initiatives menées en RD Congo.

Gorille de montagne dans la jungle du parc national des Virunga, au Nord-Kivu. © Thierry Falise/LightRocket via Getty Images

Gorille de montagne dans la jungle du parc national des Virunga, au Nord-Kivu. © Thierry Falise/LightRocket via Getty Images

Antoine Senga Tabu

Publié le 16 mai 2021 Lecture : 4 minutes.

En Afrique comme partout ailleurs, les problèmes environnementaux sont causés par des conflits liés à l’exploitation des ressources naturelles. Ils sont exacerbés par la conversion des habitats de la faune et de la flore, la pauvreté généralisée, la faible gouvernance institutionnelle et les déplacements des populations. Les traumatismes et les désagréments résultant de cette triste situation s’aggravent sans cesse.

Fort heureusement, les efforts de sensibilisation et les plaidoyers en faveur de la protection de l’environnement se multiplient également. Des réunions sont ainsi organisées dans le monde entier pour trouver des solutions aux dégradations causées par l’homme, ainsi qu’aux conflits liés à l’exploitation des ressources naturelles. Le consensus, qui se dégage de ces diverses discussions, est que la conservation de la biodiversité ne vaut que si elle implique l’adoption de mesures permettant d’assurer le bien-être et les moyens de subsistance des communautés locales. Le rôle de ces dernières apparaît donc crucial. 

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Indicateurs médiocres

Si elles sont bien gérées, les zones protégées fonctionnent comme des catalyseurs stables du développement régional, offrant à plusieurs centaines de personnes des opportunités d’emploi et la possibilité de développer leurs compétences, ainsi qu’une source de sécurité – notamment aux populations rurales. Et selon un rapport fondamental produit en 2019 par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), les zones protégées les plus performantes restent celles qui sont gérées et dirigées par les communautés locales. 

Le bassin forestier du Congo abrite 70 % de la couverture végétale du continent africain et constitue une grande partie de la biodiversité africaine, avec plus de 600 sortes d’arbres et 10 000 espèces animales. À ces atouts s’ajoute  un remarquable potentiel hydrographique et géologique. C’est un lieu d’une richesse naturelle époustouflante, mais comme c’est souvent le cas dans d’autres endroits du monde, les personnes dont la vie et les moyens de subsistance dépendent de ces ressources naturelles sont les plus démunies. Les inégalités structurelles, l’exploitation et l’exclusion ont marginalisé ces communautés, entraînant des indicateurs socio-économiques médiocres – faibles niveaux d’éducation, mauvaise santé et malnutrition, pour n’en citer que quelques-uns. 

Vol d’oiseaux sauvages à Kavanyongi, au nord du lac Édouard, en RDC. © Brent Stirton/Getty Images for WWF-Canon

Vol d’oiseaux sauvages à Kavanyongi, au nord du lac Édouard, en RDC. © Brent Stirton/Getty Images for WWF-Canon

 L’African Wildlife Foundation (AWF) comprend que pour réussir à conserver la faune et les terres sauvages, nous devons donner la priorité aux besoins des communautés locales et fournir des solutions qui améliorent leur vie sans mettre en péril les ressources naturelles. En République démocratique du Congo, l’AWF travaille sur deux fronts : la conservation de la biodiversité et le développement communautaire. 

Nous donnons aux communautés les moyens d’agir en leur fournissant des micro-subventions

En collaboration avec l’Agence américaine pour le développement international (Usaid), nous donnons aux communautés les moyens d’agir en leur fournissant des micro-subventions et en les aidant à développer des activités de subsistance, en particulier dans le domaine de l’agriculture. Ce soutien prend la forme d’un accès à des marchés rentables, de la promotion de pratiques agricoles résistantes au climat, de la fourniture de semences de qualité aux agriculteurs et d’un mentorat pour l’entrepreneuriat agricole. Grâce à tout cela, les agriculteurs sont en mesure de monétiser leurs petites exploitations et de réaliser des bénéfices. 

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En retour, les agriculteurs signent des protocoles d’accord qui les obligent à n’exploiter que des terres situées dans un rayon de cinq kilomètres de la route principale et donc à ne pas entrer dans la zone protégée. Grâce à l’augmentation des rendements résultant de l’amélioration des pratiques agricoles, il est peu nécessaire d’étendre les terres agricoles. Par conséquent, lorsque les champs situés dans la forêt sont abandonnés, la végétation se régénère au fil du temps et le paysage gagne en biodiversité floristique.

Renforcer les capacités techniques des écogardes afin d’améliorer les patrouilles de sécurité et les efforts de lutte contre le braconnage

En outre, l’AWF collabore avec l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) dans le domaine de chasse de Bili-Uere (DCBU) et dans la réserve de faune de Lomako (RFLY) pour renforcer les capacités techniques des écogardes afin d’améliorer les patrouilles de sécurité et les efforts de lutte contre le braconnage. Grâce à un financement de l’Union européenne, l’AWF les a équipés de dispositifs de suivi et les a formés à leur utilisation. Les écogardes sont choisis au sein de la communauté, ce qui permet à plusieurs familles de gagner leur vie dans ces paysages.

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Davantage de singes bonobos

Notre approche, selon laquelle les interventions sont dirigées et prises en charge par les communautés dans les paysages où nous travaillons, a été couronnée de succès. Nous avons constaté que les communautés apprécient de plus en plus la faune sauvage et ses habitats et s’en préoccupent. Cela a entraîné une diminution du braconnage, une utilisation plus durable des terres et une réduction des conflits entre l’homme et la faune sauvage. Le nombre d’animaux sauvages augmente. Par exemple, les populations de singes bonobos à Lomako se rétablissent et nous avons constaté une réduction des meurtres de grands mammifères, notamment d’éléphants à Bili-Uere. 

Grâce à la bonne volonté du gouvernement et au soutien d’organisations comme l’AWF, le pays s’achemine progressivement vers la création de dix millions d’hectares supplémentaires de zones protégées, conformément aux plans de l’État. La conservation de l’environnement est une obligation pour nous tous qui occupons cette terre, et en RD Congo, nous progressons village par village, sans laisser personne derrière. 

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